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La vraie nature de charlotte
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17 février 2010

L'humanité doit changer ou elle disparaitra

Le philosophe Pierre Rabhi, un des pionniers de l'agriculture biologique, revient sur l'échec de Copenhague et plus globalement sur l'incapacité des "grands sommets" à prendre des décisions rationnelles pour le bien collectif. Il rappelle que le temps n'est plus à l'aménagement de notre modèle, mais bien à un changement plus radical pour construire un monde plus digne de notre intelligence.

La grande déconvenue de Copenhague est à la mesure de l'espoir que cette rencontre avait suscité. Après les grandes cérémonies précédentes, il fallait être singulièrement naïf pour croire qu'une quelconque décision - que la gravité des enjeux nécessite absolument - allait surgir d'une ambiance de hall de gare, où chaque nation veille avant tout sur ses intérêts propres. L'enjeu, lui, est des plus simples. Suite à des transgressions de l'espèce humaine, il se pose comme un ultimatum. L'humanité doit changer de comportement à l'égard de la planète qui l'héberge, si elle ne veut pas disparaître.

Sur une planète une et indivisible - et dont la diversité et la cohésion renforcent la vie et la survie -, notre espèce, en dépit de sa nature également unitaire, est fragmentée. L'avénement très récent du phénomène humain a instauré un vivre ensemble fondé sur l'antagonisme. Certains font appel aux théories de M. Darwin pour le justifier. Quoi qu'il en soit, contrairement aux autres espèces, il n'a pas pour seul mobile la lutte pour la survie - relativement facile à solutionner -, mais des causes plus subtiles : les mythes, les croyances, les symboles pour exorciser une sorte de peur primale. Ces paramètres sont omniprésents dans toutes les concertations lorsqu'il s'agit de résolutions communes.

La rivalité issue de l'insécurité est allée jusqu'à apposer un ordre cloisonné, fait de morceaux de planète appelés territoires, à l'origine de grands conflits. Ces territoires sont comme les éléments d'un puzzle mais qui, au lieu de rendre intelligible le tout, en exacerbent la confusion. C'est ainsi que les questions factuelles, censées être examinées à l'occasion de ces rencontres, se posent en occultant les mécanismes subjectifs qui les sous-tendent et les déterminent. Le sort commun est guidé par des préjugés, alors qu'il devrait au contraire transcender les intérêts particuliers des nations.

C'est aussi la même irrationalité qui fait que, au lieu d'exalter la splendeur d'une planète vivante et unique, elle est ravalée à un simple gisement de ressources à exploiter jusqu'à leur épuisement. Pour ce faire, un ordre anthropophagique mondial s'est imposé insidieusement, avec une règle du jeu qui permet aux plus voraces de dévorer légalement les plus démunis. Pire encore, des Etats corrompus vont même jusqu'à confisquer à leurs populations les biens légitimes indispensables à leur survie. Comme nous ne sommes pas à une perversion près, le tiers-monde suscite, comme contrepartie de son appauvrissement programmé, des dispositifs internationaux à caractère compassionnel, pour lui allouer quelques subsides. Par une sorte de cynisme moralisé, la politique du pompier pyromane devient un mécanisme normal, banalisé, comme l'humanitaire est devenu le moyen compensatoire aux défaillances de l'humanisme, seul en mesure de le rendre sans objet.

Le plus extraordinaire encore, c'est d'avoir réussi à donner le noble vocable d'"économie" - à savoir la régulation des échanges pour la satisfaction des besoins de tous - à ce qui est le déni même de l'économie. La croissance économique fondée sur la prédation et la dissipation des ressources provoque une multitude d'effets directs et collatéraux négatifs parmi lesquels, justement, le réchauffement climatique, objet de Copenhague.

Bien des problématiques, comme la faim dans le monde, mériteraient autant d'effervescence, mais on sait que les priorités sont définies, au-delà même de l'autorité politique, par la puissance insidieuse de l'argent. On entend souvent dire que ces rencontres permettent néanmoins de sensibiliser l'opinion aux grands enjeux écologiques. Cela est indéniable, comme est indéniable la sincérité de nombreuses personnes qui aspirent au changement de l'aventure humaine. Mais il faut cesser d'être naïf, car le temps n'est pas à l'aménagement de notre modèle de société, mais à un changement radical pour qu'enfin, en plaçant l'humain et la nature au cœur de nos préoccupations, nos talents et nos moyens puissent être mobilisés pour construire un monde digne de la vraie intelligence.

Nous en avons les moyens matériels, il ne nous manque que l'audace et la détermination. Ce qui donne de l'espoir, c'est que la société civile planétaire semble déjà s'être engagée activement pour que ce changement de paradigme puisse advenir.

Pierre Rabhi, fondateur de Colibris, mouvement pour la terre et l'humanisme

Article paru sur le site de latribune.fr le 25/01/2010

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